Exposition retrospective – Galerie Suisse (2000)
Hommage à François Pousse
L’écriture se joue du plan qu’elle macule et qu’elle partage en lambeaux qui ne semblent plus tenir entre eux que par la couture illusoire qu’elle dessine.
Michel Haber, Hebdoscope, 2000
La Galerie Espace Suisse présente (…) une exposition rétrospective sur l’œuvre de François Pousse.
Bien connu des milieux artistiques et culturels alsaciens dans les années 1970, il a laissé derrière lui une œuvre riche et dense en production, diversifiée, éclairée par le triple souci de la réflexion, de la recherche et de la pédagogie.François Pousse est né en 1940 à Albi. Dès 1945 il vivra à Strasbourg où il restera jusqu’en 1975, avant de partir à Dakar pour sept ans. La maladie l’emporta à 42 ans. Sa première expérience est celle d’architecte, métier qu’il exerça durant six ans. lI quitta cette activité, n’y trouvent point la nécessaire liberté du créateur. Par contre, il garda de cette école des traces toujours visibles dans ses œuvres: construction. rigueur, importance de la structure, sens du détail et du travail fini. Il s’essaya à divers domaines, toujours avec bonheur, que ce soit en tant qu’enseignant à l’Ecole des Beaux-Arts de Strasbourg, illustrateur, sérigraphe, décorateur et graphiste. Il travailla avec les Percussions de Strasbourg, créa leur logo et élabora une méthode d’enseignement : Percustra. De 1972 a 1974, c’est l’Opéra du Rhin qui l’accueillit: il y conçut le premier logo. Le théâtre n’était par ailleurs pas en reste puisqu’il créa des décors et des masques pour le Théâtre du Pont St-Martin, la Compagnie du Masque, le Théâtre Populaire des Yvelines, le Theâtre de la Vache Cruelle de Périgueux, le Ballet du Rhin & Mulhouse, le Théâtre du Marché-Aux-Grains de Bouxwiller, le Theâtre des Drapiers, le Theâtre Jeune Public et d’autres encore. Les années africaines furent des années d’enseignement à l’école des Beaux-Arts de Dakar. Artiste éclectique, il était attiré par tout et pratiquait plusieurs techniques : encre, gouache, aquarelle, crayon, sérigraphie, terre, huile, pastel. Les matériaux utilisés allaient de la toile au papier, en passant par le cuir, le bois, l’émail, le plexiglas, le verre et le tissu. Tout était sujet, tout était démarche, tout état investigation et recherche.
L’exposition présente en six salles une palette de l’œuvre de François Pousse, des morceaux choisis qui témoignent et de la recherche et de la curiosité et du travail. Ce sont des sérigraphies qui nous accueillent d’abord. Multiplication d’un ou plusieurs maillages de couleur sur fond noir, grillage reproduit puis légèrement décalé avec une précision calculée.
Ces œuvres figurent parmi les dernières. Le travail quasi sériel de tramage, de structuration de l’image par la répétition du motif renvoient d’emblée à la formation d’architecte de l’artiste. L’importance de cette structuration, quoique discrète car souvent subtile, est ici rendue presque palpable pour peu que l’on comprenne qu’au-delà du motif se joue l’ossature de l’image. On perçoit clairement que le sérigraphe part toujours de la photographie en regardant ensuite quelques paysages africains, constructions et verdure, surexposés, puis savamment retravaillés, recolorisés, reteintés. Les thèmes et les cadrages rappellent certaines peintures orientalistes, la couleur est un clin d’œil à Andy Warhol. D’autres encore, répétions de carrés de plusieurs couleurs ou frôlement de surfaces comme des visages à l’effleurement expriment une sensualité délicate. Un texte de François Pousse explique de manière poétique le processus créatif de la sérigraphie. Des dessins réalisés à l’encre, tout de lignes croisées, aux délicats changements de densités, rappellent encore le goût du croquis construit, architectural. «Les acrobates» est un éloge de la légèreté, «incantation» et «Exaltation de la forêt» campent une gestuelle exaltée. Quelques affiches, un tableau prêté par les Musées de Strasbourg, nous amènent a une période plus ancienne. Des petites gouaches, des grandes toiles montrant des êtres en souffrance qui nous rappellent que l’époque était celle de la guerre du Vietnam et de l’underground psychédélique. Une série d’aquarelles peintes en Irlande et dans le midi de la France reprennent le thème du paysage. François Pousse avait aussi conçu des Ivres/objet/miroir, en superposant et en incorporant des films de sérigraphies entre des plaques de plexiglas. La transparence permet d’y jouer avec les motifs et les profondeurs.
La dernière partie est sans doute la plus africaine, De grandes pièces de tissus de couleurs, dessinées et teintées par l’artiste y sont suspendues au mur. A l’origine, ce sont les éléments de grands mobiles, suspendus a des tiges de bois polies (présentées a l’entrée sous forme de sculpture). La couleur en jaillit et explose, luxuriante, éclaboussent tout l’environnement de ses intenses vibrations. Le continent africain a joué pour François Pousse un rôle de révélateur. Il s’est autorisé, à travers son expérience, à aller plus avant dans son cheminement créatif. Les tissus et sérigraphies en attestent, ainsi que les extraits de ses notes semés à droite, à gauche, dans lesquelles iI nous livre quelques réflexions, quelques pensées. A admirer, à méditer.
L’exposition retrace avec bonheur, avec emotion également, le parcours trop court d’un artiste entier, pétri de travail et de curiosité, ouvert à l’homme et au monde. aux différences et a l’infini de la création.